1, Mishima Boys, coup d'état - Tome 1

Eiji Otsuka

Akata Éditions

  • Conseillé par
    4 mars 2016

    Ce premier tome du dyptique de « Mishima Boys » est plutôt singulier dans le genre. Bien que largement classé dans le seinen, ce manga n’a rien à voir avec la production habituelle. Pour commencer, l’histoire s’inspire de faits réels et se propose de revisiter un Japon d’après-guerre fortement chamboulé par tous les changements survenus, plus particulièrement chez la classe estudiantine. Un souffle de révolte et de transgression se fait alors sentir et trois cas particulièrement choquants bouleverseront le pays tout entier.

    En partie historique et foncièrement social, Mishima Boys est surtout un manga transgenre, une expérience réalisée par l’esprit un tantinet tordu d’Eiji Otsuka (à qui l’on doit le génialissime MPD Psycho et d’autres sanglantes joyeusetés) et saisie par le trait de Seira Nishikawa, une nouvelle dans le genre (chose que l’on ne remarque absolument pas tant le dessin est maitrisé et frôle la perfection). Comme il nous est confié en début de volume, ce manga regroupe trois événements clés qui montrent l’état d’esprit d’une époque et d’une jeunesse en proie au malaise et en perte d’identité. Les trois récits s’imbriquent les uns dans les autres pour mieux nous perdre, et c’est voulu. A nous de poser des questions et d’essayer de restituer qui a fait quoi…

    Confus de prime abord, ce premier tome de Mishima Boys nécessite plusieurs relectures pour saisir pleinement tous les tenants et aboutissants de l’histoire. Le manga est construit selon différents codes empruntés pour certains au cinéma, pour d’autres au théâtre nô, ce qui donne un aspect « présentation » avec son narrateur présent physiquement dans chaque scène révélatrice pour mieux accompagner les personnages. Pour le lecteur, ce procédé parait flou, voire hasardeux, surtout que l’on ne connait rien des affaires qui nous sont présentés. Pour autant, une fois que l’on se laisse emporter par la brillante construction d’Eiji Otsuka, on ne peut que s’incliner devant tant d’inventivité et d’audace.

    Graphiquement parlant, c’est magnifique. L’édition est de grande qualité. Couverture cartonnée, papier glacé, contrastes très marqués qui font honneur au style très réaliste de Seira Nishikawa. La mise en page navigue entre flous, zooms et plans larges, le tout oscillant entre voyeurisme et dynamisme. La folie et l’ennui transpirent des pages, avec ses regards perdus dans le vague et ses visages vides ou grotesques qui déshumanisent l’entourage des personnages principaux. L’intrigue (principalement celle de l’étudiant coréen) est révoltante et montre bien l’état d’esprit des jeunes d’alors. Perdus, en colère, désœuvrés… Un manga à lire sur plusieurs niveaux.