Gwendal O.

Récréalivres est la seule librairie spécialisée jeunesse de Sarthe. Elle est aussi Librairie-Relais de L'école des loisirs et est dotée d'un Square depuis 2012.

Conseillé par (Libraire)
3 février 2018

A demi

Christoph Niemann s’est fait en particulier connaître grâce à ses dessins pour le NewYorker. La diversité de ses techniques et sa capacité à synthétiser une idée quelquefois complexe par un simple dessin ont stupéfié ses lecteurs adultes. Un excellent documentaire rend hommage à son travail sur la chaîne Netflix pour la série "Abstract". Il se prête ici à l’exercice périlleux de l’imagier qui semble fait pour lui. Pourtant le résultat est légèrement décevant. Est-ce l’objet livre qui a renoncé à une vraie qualité de papier du fait de l’importante pagination (presque 400 pages) ? Les contorsions probables de la traduction ? En tout cas l’introduction programmatique et stimulante laisse espérer une bible que « Mots » n’est qu’épisodiquement. Certaines entrées laissent pantois tant elles brillent par leur intelligence et leur immédiateté mais sur l’ensemble, l’exercice témoigne de faiblesses et lasse du fait du caractère uniforme des dessins.

Jo Won-hee

Cambourakis

14,00
Conseillé par (Libraire)
30 décembre 2017

Dans le décor d’une savane quasi désertique un groupe de chasseurs aux visages éléphantesques se lancent dans une battue. La victime est un enfant nu aux proportions gigantesques à qui ils vont soutirer toutes la dentition après l’avoir criblé de flèches. L’argument de l’album de la coréenne Cho Won-Hee basé sur un procédé d’inversion est d’un relativisme cruel. Le lecteur est invité sans ménagement à se mettre « à la place », exigeant de lui de porter tour à tour comme le masque des chasseurs et de leur victime dans deux doubles pages oppressantes. Le dispositif pourrait apparaître sans nuances et pourtant « Chasseurs de dents » cueille son lecteur avec une subtile autorité. D’abord en ironisant sur un surréaliste commerce (de luxe) de dents de lait, imposant au passage des images stupéfiantes comme cette statue de David aux traits éléphantesques taillée dans une dent d’enfant. Enfin, l’album (jusque là muet) prend dans son épilogue encore plus de hauteur tout en conservant sa belle ambiguïté. La quatrième de couverture poursuit le questionnement : le dormeur/lecteur finira-t-il par vraiment se réveiller ? Ce très bel album à la narration brillante et au discours militant a reçu une mention spéciale aux BolognaRagazzi Awards en 2017. A titre de rappel près de 100 éléphants sont tués chaque jour pour leur ivoire selon l’IFAW.

10,50
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28 août 2017

La course miraculeuse

Mais qu'anime donc les courses éperdues de tous ces adolescents croisés dans les romans de littérature jeunesse ? Le deuil douloureux de l'Elina de Fanny Chiarello dans "La vitesse sur la peau" ; le désir de fuite d'Antoine et Tony dans "Aussi loin que possible" d'Eric Pessan ; cette idée de la course comme exutoire d'un quotidien difficile, on la retrouve dans ce dernier très beau roman de Joe Witek. Comme le principe de la collection dans laquelle il s'inscrit le veut, c'est la voix d'Hannah qui nous est donnée d'entendre. Sur un sujet propice aux "sorties de route", l'auteure a écrit un texte court, sobre et très énergique. Voir Hannah grandir, c'est assister en retenant son souffle, à un miracle au bord d'un gouffre : une expérience éprouvante mais libératoire. Une nouvelle réussite dans une collection incontournable.

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21 août 2017

L'art difficile de la comédie

Susin Nielsen est un peu un cas à part au sein des auteurs de chick-lit et le fait qu'elle soit publiée par les éditions Hélium est un signe en soi. Car il ne faudrait pas confondre ses romans avec le tout venant d'une production commerciale, alors qu'ils en affichent certains signes distinctifs. Mais le fan club de l'auteure (car il en existe bien un) sait faire la différence. Comme se justifie Jacob le héros des "Optimistes meurent en premier" à propos du court métrage qu'il vient de réaliser avec Pétula : "Ce n'est pas vulgaire. Drôle, oui. Vulgaire, non. La comédie est toujours méprisée. Ca arrive toujours aux Oscars. Parce que c'est drôle, les gens croient à tord que c'est facile". Tous est dit. Les romans de Susin Nielsen, et celui-ci n'y déroge pas, sont plein d'esprit, particulièrement bien dialogués et n'oublient pas la pointe d'acidité qui rend acceptable l'indéniable taux élevé de sucre. Sur un thème proche de l'intéressant "Coeurs brisés, têtes coupées" de Robyn Schneider (Gallimard Jeunesse, 2013), Susin Nielsen réussit une rom com charmante autour d'une bande de freaks très attachante. Et si en plus vous êtes amateur(trice) de chats, vous serez servi au delà de toute mesure !

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19 août 2017

Vivifiante colère

Auteure du saisissant "La décision" en 2013 et plus récemment du très intéressant "Double faute" (tous les deux également chez Gallimard Jeunesse), la grecque Isabelle Pandazopoulos nous revient dans l'inégale collection Scripto avec le magnifique "Trois filles en colère". Dans ce roman épistolaire ambitieux, nous suivons le destin de trois jeunes filles adolescentes jusqu'au seuil de l'âge adulte, de l'après guerre jusqu'au début des années 70. L'auteure entremêle plusieurs voix pour saisir une époque de contestations multiples. Les vies de ces "trois filles" sont évidemment symptomatiques d'une vision du rôle de la femme dans trois pays européens : la France, l'Allemagne et la Grèce. Isabelle Pandazopoulos dépeint par petites touches subtiles (très loin du didactisme d'une certaine littérature ado), au plus près de l'intimité de ses personnages, les bouleversements politiques et sociaux. Ceux-ci font écho à leur éveil intellectuel et sensuel. La colère de Magda, Suzanne et Cleomena est saine, née des traumatismes d'une guerre qui a profondément marqué leur trois familles. Les personnages des parents ne sont pas négligés et sont traités avec équité, éclairant et relativisant la révolte de la nouvelle génération, en particulier la mère de Suzanne, très beau personnage incapable d'assumer sa maternité. "Trois filles en colère" est un roman résolument féministe dont les questionnement demeurent (malheureusement) contemporains, une réussite qui mérite vraiment de rencontrer un public plus large que celui de la jeunesse.